rencontre
beauté
La compagnie
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Un travail d’équipe
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Gaëlle Lebert est la metteuse en scène de la compagnie Vagu’Only depuis sa fondation en 2009. Gaëlle Lebert s’entoure de collaborateurs fidèles et travaille en équipe sur une série de créations. Mettre en scène est pour elle l’occasion de créer des objets poétiques à la croisée des disciplines, entre théâtre et musique, dans une recherche collective. Chacun interroge la matière proposée. Les partitions proposées par Gaëlle, adaptées d’un film, de nouvelles ou de romans, sont enrichies à chaque étape de la création, par l’équipe de mise en scène, par les comédiens sur le plateau, par les créateurs sons, lumière et vidéo, par la scénographe. Les espaces sont modulables et faits de transparence, de reflets, de pénombre, de lumière scintillante et de projections vidéo. L’univers sonore et vidéo, inscrit dans l‘écriture comme une partition, joue un rôle crucial dans le travail sur la temporalité et la subjectivité : souvenirs, images métaphoriques, silhouettes fantasmatiques apparaissent sur les surfaces et transforment l’espace et le temps, qu’elles accélèrent ou dilatent à l‘envie. Les comédiens glissent d’un personnage à l’autre. Car le personnage est une surface symbolique comme une autre. Et les corps sont poreux. Les surfaces, symboliques ou réelles, sont perméables… Le style volontairement quotidien des adaptations est un matériau de départ pour une réappropriation du texte sur le plateau par les comédiens. Il s’agit toujours de questionner l’endroit d’un jeu libre, simple, et s’inventant au présent, un jeu cinématographique, dans une approche curieuse de confronter la présence des corps sur le plateau à leur image en vidéo, de combiner un jeu naturaliste avec l’utilisation d’un micro : une esthétique théâtrale contemporaine.
Les débuts de la compagnie
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Dès la création de la compagnie, l’éclectisme dans le choix de répertoires méconnus a rejoint une grande diversité de formes, du plein air lors de festivals aux plateaux de scènes nationales.
Le premier spectacle, Semper Eva, au prieuré de Rauzet, église déconsacrée, est une partition pour voix d’hommes et une comédienne à partir d’un texte extrait de Feux de Marguerite Yourcenar, créée dans le cadre du festival des Nuits Romanes. Hroudland est un spectacle de musique ancienne destiné au jeune public et inspiré de la légende de Roland. Le duo Caruso et Cuadrado, qui se produit à la fois en rue et en salle, est un joli succès populaire autour du bel canto. Jamais les crépuscules ne vaincront les Aurores est un récital de poésies accompagné au cristal Bachet.
Gaëlle Lebert met en scène également le spectacle ciné-lyrique L’Aurore, d’après le film de Murnau, créé aux Carmes à La Rochefoucauld puis repris à la Scène Nationale d’Angoulême et au Moulin du Roc à Niort. Elle poursuit son travail à la frontière entre théâtre et musique en adaptant des textes et des poèmes de la journaliste américaine Dorothy Parker dans Night and Day, un spectacle-cabaret sur une musique originale de Jeff Cohen (Les Carmes, la Scène Nationale d’Angoulême, la Ferme saint Michel, la M3Q de Poitiers…) dans lequel elle joue également aux côtés de Gwendal Anglade et Jeff Cohen. Avec Tout ce que j’aimais, elle opte pour une forme plus théâtrale, dans laquelle la musique est pensée à la manière d’une bande originale de film et elle poursuit son travail d’écriture en choisissant d’adapter un roman.
UN GESTE ARTISTIQUE RÉSOLUMENT FÉMINISTE
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A partir de 2017, je donne une orientation résolument féministe à mon geste artistique en donnant la priorité dans mes choix de metteuse en scène à des autrices. J’avais enclenché ce travail en choisissant pour la première création de la compagnie un texte de Marguerite Yourcenar extrait de Feux. Je veux montrer des regards sur la société, la famille, le travail, la violence, l’enfance qui ne soient pas des regards d’homme. Je veux m’adresser aux jeunes mais je refuse d’être enfermée dans le spectacle jeune public. Je veux montrer la liberté, la force créatrice des femmes. Je veux donner à voir des personnages de femmes libres, modernes, qui s’interrogent sur leur identité, leur rapport au désir, à la création. Dans Night and Day, les personnages représentées sont avant tout des femmes, les hommes ne sont que des prétextes à la parole des femmes. La question du désir et des stéréotypes qui le conditionnent est au coeur du spectacle. Dorothy Parker est une féministe qui a payé sa liberté au prix d’une grande solitude. Siri Hustvedt, l’autrice de Tout ce que j’aimais, est « une femme qui regarde les hommes regarder les femmes ». Je suis une femme, je suis féministe, je suis hétérosexuelle, je suis une mère, je suis une belle-mère, j’aime les femmes, j’aime les hommes, j’ai parfois été victime de leur violence, j’ai fait des études, j’ai souvent dû me battre pour faire reconnaître mon travail ; mon regard sur le monde est nécessairement différent de celui de mes collègues masculins. Et c’est toute une équipe, composée d’hommes et de femmes, que je veux emmener dans ma réflexion : est féministe une personne qui croit à l’égalité sociale, politique et économique des sexes. Ma mission d’artiste est d’interroger les tabous, de remettre en cause un répertoire théâtral dicté par l’hégémonie masculine et de donner la parole à ceux qui n’appartiennent pas à la majorité dominante, à ceux qui sont en marge, à ceux qui sont présentés comme faibles, femmes ou non.
Gaëlle Lebert, metteuse en scène.